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Accompagnements & soins

Médailles en chocolat (à double face)

Auteur Rédaction

Temps de lecture 4 min

Date de publication 20/05/2020

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Côté pile / côté face

Côté Pile de la médaille de l'épidemie que la République envisage de remettre aux soignants : la reconnaissance de ces "héros", qui se sont dévoués, qui sont montés et restent au front face au covid-19, malgré tout.

Malgré des conditions de travail mises en lumière, malgré des équipements individuels de protection (EPI) qui tardaient (voir la nouvelle doctrine pour les masques cette semaine), malgré les recommandations parfois éloignées des réalités du prendre soin de personnes atteintes de 7 pathologies en moyenne (dont des troubles sévères du comportement), malgré les peurs individuelles et collectives (de contaminer, d'être contaminé).

Ils ont été et sont là, sur le terrain. Ils ont décloisonné, bougé, inventé.

Le Président de la République, le gouvernement ne peuvent plus faire autrement que de prendre en compte ces professionnels de terrain. La République a décidé de les valoriser et de leur octroyer une prime... pour les uns et pas pour les autres ? Les acteurs du domicile, du médico-social, en amont et en aval de l'hôpital ont à nouveau le sentiment d'être oubliés voire méprisés.

Côté face : l'épuisement guette ces professionnels, qui tardent à voir arriver des primes pour les uns et pas pour les autres ? Or si la crise sanitaire semble marquer le pas, le covid-19 rôde toujours et effraie les volontés de déconfiner, alors que les chaleurs estivales arrivent...

L'inconscient sacrificiel des infirmières "bonnes soeurs" fait place à des revendications salariales claires. Les syndicats professionnels ont mal reçu cette proposition de "médaille des épidémies" considérée comme une médaille en chocolat sans valorisation concrète des compétences et des rémunérations. Elles (parce ce sont surtout des femmes à 97 % pour l'aide à domicile) ne veulent pas l'aumône.

Sans décisions, sans vraies revalorisations, l'hémorragie risque de s'aggraver quant on sait que 30 % de nouvelles recrues quittent le métier au bout de cinq ans. Sans compter le vécu terrible des fins de vie et les décès pendant cette période avec des présentation des corps traumatisantes, des obsèques écourtées... On attend le nombre des décès aux domiciles chiffré de 8 à 10 000 selon l'intersyndicale.

On voit aussi que des plaintes sont déposées : côté pile pour réparer, pour juger des dysfonctionnements condamnables mais côté face, on sait que la judiciairisation d'un conflit est une démarche lente, coûteuse et tellement difficile. Les professionnels comme le Synerpa organisent plutôt des médiations.

Comment sortir de l'impasse, de l'impuissance ?

Si c'était facile, les nombreux gouvernements qui ont tenté de répondre aux enjeux du vieillissement l'auraient fait. Les ressorts sont profonds, conscients et inconscients, individuels et collectifs et les rapports se suivent : voir cette semaine celui de Monique Iborra et Caroline Fiat sur la Crise sanitaire dans notre secteur médico-social.

Et si l'on prenait vraiment en compte les citoyens de tous âges, même quand la fragilité, la maladie s'installent. Et si l'on regardait en face notre âgisme conscient et insconsicent, pour oser préparer notre parcours de vie, nos projets aux différents moments de la vie ? Et si l'on osait se dire que l'on peut vieillir debout même très malade, jusqu'au bout ? Combien de soignants ont écrit leurs directives anticipées ?

Et si cette logique de projet (de vie) remplaçait celle des tuyaux d'orgue : la prévention pour "bien vieillir" et l'intégration sociale d'un côté, l'aide et les soins de l'autre, de la ville, du médico-social, de l'hôpital... Et si des évaluations pluridimensionnelles collégiales, révisées, partagées aboutissaient à un plan de compensation financé avec des services ajustés sur les territoires ? Avec le respect des volontés de la personne concernée jusqu'au bout ?

Et si la gériatrie, la gérontologie (comme la pédiatrie) étaient reconnues comme de vraies spécialités, complexes, passionnantes, indispensables à nos parcours de nos vies ?

Et si les professionnels, les services, les structures de gériatrie et gérontologie étaient reconnus, soutenus, rémunérés voire labellisés, en logique de parcours, décloisonnée, efficiente ?

Et si les coûts de la non qualité (RPS, TMS, liés aux troubles du comportement, les soins, médicaments, hospitalisations évitables...) étaient des leviers pour valoriser les métiers et guider les politiques publiques ?

Comme toujours, les professionnels repartiront de leurs forces, de leur engagement, de leurs valeurs qui les ont portés pour faire face et continuer d'être sur le terrain. Ils ont décloisonné, valorisé la vie sociale, tenté d'atténuer les douleurs, les souffrances avec l'utilisation décomplexée des outils numériques de la télémédecine aux télé-visites... pour être fiers de leur prendre soin. Un festival veut mettre en avant leur créativité !

Sachant que le covid-19 rôde toujours et que les chaleurs caniculaires arrivent : un "Ségur de la santé" va aboutir à des rapports, des recommandations... Avant une loi Grand âge tant attendue, l'AD-PA et l'intersyndicale estiment qu'il faut mobiliser dès 2020 au moins 6 milliards d'euros du plan de relance.

Si un cinquième risque, relatif à l'aide à l'autonomie, pourrait être créé d'ici à 2021, selon deux projets de loi transmis dans la nuit aux partenaires sociaux et dévoilés par Les Echos, les mêmes textes prévoient un financement supplémentaire limité à 2,3 milliards d'euros à compter de 2024, en reaffectant la CSG à la CNSA. Soit près de six fois moins.

Le 14 juillet 2020 devrait incarner un hommage de la nation avec une promotion unique de l'ordre national du mérité et de la Légion d'Honneur, en complément de cette médaile d'honneur de l'engagement face aux épidémies.

Habitats, prévention, prendre soin, vieillissement debout jusqu'au bout, rénovations, transition démographique, écologique, numérique... Qu'attend notre République pour se saisir de la médaille de la longévité ?

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