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Qualité & management

Ehpad public Kersalic à Guingamp : un tiers-lieu à tous les étages

Auteur Annie De Vivie

Temps de lecture 4 min

Date de publication 13/07/2022

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Lauréat de l’appel à Projet Tiers-Lieux de la CNSA et du Laboratoire des Solutions de Demain, la résidence/Ehpad public de Guingamp a choisi d’être un tiers-lieu à chaque étage… Pardon, à chaque village. En effet, les sept lieux de ma maison (du bar à la brasserie en passant par les lieux de vie de chaque village), tout a été totalement repensés, depuis une dizaine d’années, sous la houlette de la directrice Corinne Antoine-Guillaume. Et les médias ne s'y trompent pas : la résidence est sous le feu des projecteurs (France TV).

Visite guidée des sept lieux de la maison

Dès l'entrée, le ton est donné : un triporteur vous indique que les sorties sont de mise. Des horloges vous plongent dans les différents mondes des habitants de la maison, chacun dans un village différent. L'idée est d'inviter le visiteur à larguer les amarres, à partir en voyage dans les repères des habitants majoritairement désorientés.

Toujours à l'entrée : un arbre vous présente chaque habitant, qui est invité à reprendre racine dans cette maison . Un kiosque de la poste montre que le courrier sera bien distribué. C'est monsieur Cordier, habitant de la maison, qui prend son rôle de facteur très au sérieux. Et demain une cabine téléphonique même fictive donnera envie de parler, d'échanger.

Un des sept chats actuels de la maison rôde et avance au rez-de-chaussée, vers l'épicerie Au fil du temps qui accueille les habitants. Ils viennent faire leurs courses pour la vie de leur village (un par étage) : de la farine, du sucre pour un gâteau, des pommes pour le dessert... l'enjeu, c'est l'autonomie, la citoyenneté, la liberté, explique la directrice.

Un cinéma accueille en face de l'épicerie des projections, de jour comme de nuit, pour les noctambules.

On est attiré au centre-bourg de Kersalic, le "café de la mairie" vous attend, face aux bureaux de madame le Maire (la directrice). Ce joli bar rouge et noir a été donné et retapé. Son ambiance conviviale est renforcée par les tables et chaises de bistrots, elles aussi récupérées. En ces temps de fortes chaleurs : le bar à glaces fait des heureux. Les bureaux de la direction (madame le maire de Kersalic), de l'administration, du médecin-coordonateur, le docteur Guillémé-Donnart, ne sont pas loin. L'ambiance, les projets, les activités de la maison sont confiées à Mickaël Quélen, passé d'animateur à responsable la vie sociale et de l'hébergement.

Vient ensuite la grande salle du restaurant-brasserie Aux papilles et mamies, réaménagée pour créer différents espaces autour du grand bar d'hôtel. Les tables dressées attendent leurs clients alléchés par les propositions des grands menus. Les habitants viennent y déjeuner s'ils ne souhaitent pas rester dans leur village. Il suffit de s'inscrire, idem pour le personnel qui viendra déjeuner en tenue civile. Les invités sont aussi bienvenus. De l'apéro au dessert, les plats sont faits maison à partir de produits locaux, affirme Alain Scheny, le chef de cuisine.

Chacun retourne ensuite chez soi, dans son village, à chaque étage : Ty Ker, Ty Ar Menez, An Ty Bihan, Ty An Héol… Nous sommes bien en Bretagne, mais chaque village a une ambiance particulière choisie et mise en peintures par les professionnels en mode pluridisciplinaire.

Chaque équipe composée d'aides-soignants, AMP, AES/agent de soin est pilotée par un infirmier référent. La polyvalence est de mise pour prendre soin des habitants et des lieux. L'équipe s'adapte au rythme de vie des habitants avec une cuisine relais en appui du petit-déjeuner et dîner.

"Ce n'était pas le cas avant" explique Gwenaëlle (AS/ASG depuis 23 ans dans la maison). "On ne "fait" plus de toilette, mais nous accompagnons chaque habitant qui en a besoin pour à la toilette, pour qu'il se sente bien pour la journée. Nous n'enchaînons plus les tâches : nous nous adaptons en équipes aux rythmes, aux humeurs. Pour rien au monde, nous ne reviendrons en arrière".

"Chaque jour est différent", renchérissent Megane, AMP, et Coralie, aide-soignante. "C'est enrichissant", complète Maximilien (AES/agent de soin). "A nous de réfléchir en équipe pluridisciplinaire quand une situation compliquée survient et c'est le cas tous les jours. A nous de nous adapter et d'avancer dans les projets comme la décoration de chaque village", soulignent Rozenn (AES) et Michel (AS) qui ont changé de métier. Ce dernier avance sur la formalisation du projet Fin de vie.

Les appartements de cette ancienne résidence autonomie sont grands (28 m²) avec une kitchenette. Le domicile est identifié avec une porte différente des autres, une boîte aux lettres, chacun son paillasson. Tous les agencements sont pensés et réalisés en équipes. Et des travaux arrivent, précise Corinne Antoine-Guillaume pour rendre accessibles les salles de bain, améliorer les cuisines relais et accueillir une résidence autonomie.

Si les résultats sont là, avec des listes d'attentes tant pour les habitants que pour les professionnels, si les indicateurs comme la consommation des médicaments (anxiolytiques, neuroleptiques) ont baissé, "rien n'est jamais gagné" conclut la directrice, qui mesure le chemin parcouru en 10 ans.

Elle a repensé le projet d'établissement en impliquant son conseil d'administration autour de ces valeurs de liberté, de citoyenneté. Elle invite les équipes à revisiter constamment leurs pratiques dans les mises en situation jouées sur des scènes de théâtre. Soins de force, culture soignante, refus de soins... tout est abordé pour faire passer la philosophie, les valeurs tant aux professionnels qu'au grand public, aux familles. Quelle surprise de voir la médecin mettre si bien en scène les prise en soin compliquées des aides-soignants : chacun comprend mieux la réalité de l'autre, pour mieux se soutenir, avancer, apprendre.

Cette initiative a été primée par la rédaction d'Agevillage en 2019.

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