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Qualité & management

Chiffres, contrôles magiques, absurdes, scandaleux… A repenser !

Auteur Annie De Vivie

Temps de lecture 4 min

Date de publication 02/03/2022

1 commentaires

Chiffres, contrôles magiques

Suite au scandale déclenché par le livre de Victor Castanet Les Fossoyeurs sur les Ehpad privés commerciaux, suite à Cash Investigation ce 1er mars, comment ne pas voir la course folle aux chiffres magiques toujours en hausse pour les uns -alignés sur les cours de bourse) ou toujours en baisse pour les autres vers toujours plus de "performance" de l'argent public.

Magiques

llors que les chiffres des contrôles révélés par les enquêtes ont alerté l'opinion public, la réaction ne s'est pas fait attendre avec le déclenchement ciblé sur les groupes incriminés puis tous azimuts. Ccomme pour donner à voir que l'état agit, alors qu'il semble bien démuni pour suivre les dotations publiques attribuées, la qualité du prendre-soin. Rappelons que 75 % du parc des Ehpad sont des structures publiques et privées à but non lucratif. Sachant que les contrôles y sont nécessaires, là comme ailleurs, mais pas sans doter d'abord le système au regard des besoins. "Quand votre voiture est en panne, vous avez besoin d'une réparation, pas d'un contrôle" assène Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) rejoint par la CNDEPAH. L'AD-PA demande de créer tout de suite 2 postes supplémentaires dans chaque établissement et chaque service à domicile sachant qu'un autre chiffre magique est à rappeler : la France mobilise 1,7% de son PIB pour le vieillissement, 2,5% au Danemark, 3,7% au Pays-Bas.

Chiffres et contrôles absurde voire scandaleux

Comment qualifier les chiffres, les coûts de la non-qualité qui se retournent contre les personnes âgées, contre les proches aidants, contre les finances publiques, contre les professionnels en première ligne ? Avec des taux d'arrêts maladie, des accidents du travail trois fois supérieurs dans notre secteur que dans le BTP (bâtiment et travaux publics), comment en pas voir l'urgence de repenser les modèles ? Comment qualifier ces économies à tout va, le choix systématique du moins disant quitte à brader la qualité de vie des personnes en situation de vulnérabilité, la qualité de vie au travail ?
Absurdes et scandaleux aussi ces chiffres magiques, totems à suivre coûte que coûte, données à remplir pour qui, pourquoi (comme le nombre d'échelles de Braden pour les escarres, le seul nombre de chutes) plutôt que d'investir dans les actions de prévention, de suivi, de soutien.
Scandaleux bien sûr, le non-contrôle de l'utilisation de l'argent public dans tous les secteurs, dont le privé commercial.

Chiffres et contrôles à repenser

Même la Cour des comptes l'admet : le secteur entier est comme en perdition, avec de nombreux besoins que nous gagnerons individuellement et collectivement à combler en mode investissement plutôt que de laisser filer les chiffres, les contrôles.

Repenser le management avec des managers outillés et ré-inventés comme le suggèrent deux guides cette semaine. L'anti-manuel du management de Michel Bass invite à repenser les modèles, les structures avec les citoyens des territoires afin qu'ils définissent une offre attirante, pensée, outillée avec des professionnels, sortis de la religion délétère du chiffre, pour se centrer sur la qualité de vie, en santé, au sens OMS du terme (état de complet bien-être bio-psycho-social) et sur la qualité de leur prendre soin.

La religion du seul chiffre, des contrôles aveugles, des blocages institutionnels peuvent aujourd'hui mettre à mal le développement des solutions attendues comme les habitats inclusifs cette semaine.

Certains chiffres comme la iatrogénie, le recours aux urgences, aux hospitalisations, devraient au contraire montrer l'intérêt de démarche comme "Mon espace santé" présenté par Dominique Pon lors de notre colloque 2021.

Comment faire connaître des chiffres repères, multiples au regard de la complexité des situations (polypathologies, troubles du comportement, épuisements, fin de vie) ? Je pense au ratio de personnels en présence quotidienne, mais aussi au nombre de temps d'auto-évaluations bienveillantes et structurantes, de réunions d'analyses des situations cliniques pluridisciplinaires pour aider s’approprier la complexité et la possibilité d'un vieillir debout, jusqu'au bout, malgré tout, partout. Comment valoriser les impacts médico-économiques positifs vers des taux plus faible de dénutrition, de consommations de produits (médicaments, produits d'incontinence, matelas anti-escarres, compléments nutritionnels oraux) ?

Et si d'autres chiffres émergeaient comme zéro soin de force sans abandons de soin, vers zéro contention, moins 83 % de troubles du comportement (avec les techniques de l'Humanitude) et donc plus se sens au travail, moins d'accidents, moins d'absentéisme ?

Pourquoi ces chiffres mobilisateurs sont-ils peu connus ?
Ils pourraient venir abonder les investissements pour un vrai 5ᵉ risque financé par une vraie loi grand âge. Comme si accompagner debout jusqu'au bout des maladies neuro-cognitives était impossible. Les 44 mesures de la plateforme politiques de l'AD-PA s'y risquent vers de vrais domiciles adaptés, pensés, équipés, ouverts, où l'on vivra libre et aidé. Pourquoi ne sont-ils pas enseignés dès les formations initiales pour éviter de déconstruire et reconstruire le prendre soin dans de nouvelles structures de confiance, attirantes, rassurantes ? Pourquoi ne pas repenser le système en mode "développement social local" à partir des besoins de chaque population, de chaque territoire ?

Sachant que les chiffres macabres aussi ne sont pas à omettre : les morts du Covid de tous âges à qui il nous faudra rendre hommage. Les chiffres macabres des zones de guerre : en Ukraine aujourd'hui.

Rassemblons-nous pour repenser ces chiffres. J'aurai le plaisir d'en discuter avec vous autour d'une signature de mon second livre, portrait des pionniers du 1er label de bientraitance des Ehpad, le label Humanitude, ce 9 mars à 19 heures à la librairie Le livre écarlate à Paris 14e.

Pour que les chiffres, les contrôles redonnent du sens, de la confiance, de l'espoir aussi.

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Bernard PRADINES

C'est comme si j'étais sûr que l'on va entendre protester contre ce vilain EHPAD-bashing qui nous accable. On insinuera qu'il s'agit d'une contestation du dévouement de soignants épuisés et difficiles à recruter. Nous devrons imaginer aussi que tout ce bruit est téléguidé par des idéologues passéistes évoquant par exemple le Grand Capital. Sans aller bien sûr jusqu'à l'accusation de complotisme dont on chercherait en vain les instigateurs.
Enfin, je suppose...
Merci à AgeVillage de faire état de propositions et de participer ainsi à l'émergence d'un avenir moins sombre.