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Qualité & management

Vers un droit de visite opposable en Ehpad et un Contrôleur Général des Lieux de Grande Vulnérabilité ?

Auteur Annie De Vivie

Temps de lecture 4 min

Date de publication 15/11/2023

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Ce 14 novembre, Laurent Frémont du collectif Tenir la main a remis son rapport sur le droit de visite en Ehpad à Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles, et Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé. Intitulé Liens entravés, adieux interdits, ses 150 pages et 15 propositions recommandent d’instaurer le « droit absolu » de recevoir pour les habitants avec une inscription de ce droit de visite quelle que soit l'heure directement dans la loi Bien vieillir, examinée lundi 20 novembre à l’Assemblée nationale. Il demande aussi des voies de recours plus claires avec une institution indépendante, un Contrôleur général des lieux de grande vulnérabilité.

Reconnaître les violences et le besoin de mémoire pour les morts de la crise Covid

Sept mois de travail, une centaine d’auditions de familles et de professionnels du secteur médico-social et plusieurs milliers de témoignages reviennent sur les traumatismes individuels et collectifs causés par les fermetures des Ehpad aux habitants, aux proches et aux professionnels de ces établissements.

Pour Laurent Frémont, le rapport met en lumière les violences vécues, ressenties par les habitants des Ehpad (syndromes de glissement), par les proches, par les professionnels aussi.

Aux doubles contraintes (interdictions de visite et de sorties), aux peurs des représailles, aux prises de pouvoir des professionnels, se sont ajoutés les injonctions contradictoires des multiples protocoles annoncés le vendredi soir pour mise en œuvre le lundi matin, les reports flous de responsabilités sur les directions.

"Le devoir mémoriel pour les morts de cette crise reste une demande très forte des associations des victimes, et des acteurs en première ligne", estime Laurent Frémont.

Ancrer les repères éthiques trop vite balayés en cas de crise

Citant le philosophe Alain qui prône l’obéissance et la résistance face aux règles, les auteurs du rapport invitent à :

  1. Affirmer le « droit de visite » 24h sur 24, au regard des exemples des établissements déjà ouverts (NDLR : comme les labellisés Humanitude par exemple, cité parmi les auditions page 133).
    Cette proposition a été insérée dans la PPL Bien vieillir en débat à l’Assemblée nationale du 20 au 23 novembre.
    Pour que ce droit soit mieux connu, le rapport invite à des temps d’information : les ministres Aurore Bergé et Agnès Firmin Le Bodo parlent d’une journée annuelle quand le rapport préfère une rencontre par semestre, un parrainage/marrainage des nouveaux arrivés, un mode d’emploi de l’Ehpad.
  2. Réussir l’alliance entre proches et institutions.
  3. Faire vivre la mémoire des souffrances individuelles et collectives par une journée officielle de commémoration notamment.
  4. Infléchir les pratiques professionnelles, par des formations à l’éthique appliquée, l’accompagnement professionnel de la fin de vie (un sujet qui s’invitera dans la PPL Fin de vie selon Laurent Frémont).
  5. Aménager des voies de médiation et de recours, par la création d’une structure de type Commission interne des usagers, par un meilleur circuit de la demande et de la réponse institutionnelle, via la création d’une structure indépendante, un Contrôleur général des lieux de grande vulnérabilité.

Ces propositions vont rebondir dans les projets de loi bien vieillir et fin de vie, mais aussi dans la stratégie maltraitance en décembre, précise Laurent Frémont qui souhaite poursuivre sa mission au regard de la force des témoignages qui continuent d'affluer.

Premières réactions d’associations de personnes âgées, de proches aidants, de professionnels

La Fnapaef qui a été auditionnée, salue les propositions insistant sur le devoir de mémoire de cette crise douloureuse et rappelle que "les familles aussi intègrent que le risque zéro n’existe pas et que donc la liberté élargie d’accès aux EHPAD dans les situations graves et complexes comportent une prise de risque incontournable."

Le cercle des proches aidants en Ehpad (CPAE) est "ravi de ce rapport important pour les droits de nos proches accueillis en Ehpad. Nous espérons ainsi qu'il n'y aura plus jamais de "OUI... MAIS" pour justifier l'enfermement, la privation de liberté et de lien social des résidents d'Ehpad. Parce que le lien c'est la vie."

Pour le collectif Ehpad 42, "il se sera passé 3 ans et 8 mois, entre le premier confinement et aujourd'hui pour qu'enfin soit inscrit dans un projet de loi le droit de visite en Ehpad. C'est un long délai. Néanmoins, positivons et réjouissons- nous de cette avancée pour un mieux être des résidents et de leur familles." Bernadette Ojardias salue la nécessité d'une loi pour "plus jamais ça", pour accueillir, recevoir, au micro de France Bleue Loire.

Quant à l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) elle préfère que "les établissements soient transformés en domiciles pour sortir de l'infernal logique de l'institution" et s'étonne d'un point de vue éthique que le rapport suggère "de s'affranchir des contraintes des pouvoirs publics après coup, mais de leur demander de continuer à respecter des injonctions visant à maintenir maltraitance pour les personnes âgées et mauvaises conditions de travail pour les salariés.

Si les directeurs et leurs équipes ont été parfois mis en situation de geôliers par les pouvoirs publics pendant la période covid (comme le dit le rapport), c'est que la société leur impose encore de l'être au quotidien par manque de prise de conscience et de considération.

C'est avec cela qu'il faut rompre fondamentalement et c'est ce qui sera discuté au colloque organisé par l'AD-PA et le Groupement des Animateurs en Gérontologie lundi et mardi prochains à Montpellier."

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