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Réseaux & territoires

Prévention et gestion des crises : tous concernés

Auteur Raphaëlle Murignieux

Temps de lecture 4 min

Date de publication 03/04/2024

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Les communes et leurs CCAS au cœur des solidarités sur les territoires… mais aussi en première ligne face aux crises. Des crises qui se multiplient, qui accélèrent à une vitesse folle, qu’elles soient sanitaires, financières ou climatiques. Et qui n’épargnent personne : comment chacun, collectivité, association, entreprise peut se mobiliser ? Retour sur les enseignements du congrès de l’Unccas.

Pour la ministre déléguée chargée des Personnes âgées et des Personnes handicapées Fadila Khattabi, les mairies, les CCAS sont la « représentation de la République jusqu’au dernier kilomètre ». Et c’est vers elles que se tournent en premier lieu les Français en cas de crise. Comme l’ont montré les inondations de novembre et janvier dans le Pas-de-Calais.

Parmi les communes sinistrées, Saint-Etienne-au-Mont, 5000 habitants. La petite ville a subi en novembre 2023 quatre inondations en trois semaines. 400 logements ont dû être évacués, des familles séparées, avec de graves conséquences en matière de santé mentale. « Nous avons perdu certaines personnes psychologiquement après la quatrième inondation », témoigne Brigitte Passebosc, la maire de la commune.

Il a fallu orchestrer l’aide, confectionner 200 repas chaque jour, reloger les habitants, mobiliser les agents, les partenaires comme la Croix-Rouge… Et la situation est loin d’être réglée aujourd’hui : la maire continue de se battre pour ses administrés.

Reste que l’anticipation et la gestion des crises ne peut être l’affaire des seules collectivités.

Connaître l’information

Le météorologue et fondateur de l’association Hand (hackers againts natural disasters) Gaël Musquet regrette qu’en France, la culture du risque ne soit pas suffisamment partagée ni disséminée. Pourtant, ce n’est pas faute d’anticiper : Dicrim, plan familial de mise en sûreté, plan communal de sauvegarde… les plans et documents d’information ne manquent pas. Sans oublier les fameux plans bleus dans les Ehpad. Des dizaines de documents, lus par qui ? Et quand ?

En matière de gestion de crise, l’anticipation est pourtant essentielle. Il faudrait connaître ces documents, s’intéresser à la mémoire du territoire pour prévoir les crises à venir, plaide Gaël Musquet. Notamment via les Grec, groupements régionaux d’experts sur le climat, qui travaillent à l’analyse des impacts du changement climatique à l’échelle locale en complément du Giec.

D’autant, poursuit-il, qu’une crise qui n’est pas anticipée coûte 15 fois plus cher.

… et la partager

Le président de la Mutualité française Eric Chenut plaide pour sa part pour un meilleur partage de l’information, qu’elle émane de structures publiques ou privées, pour une utilisation des données dans l’intérêt général.

Marie-Claude Jarrot, la présidente du Cerema, insiste pour sa part sur le caractère essentiel de l’information, sur ce qui peut se passer, ce qui va se passer, notamment en direction des plus vulnérables.

Sensibiliser, former les populations…

Indispensable, aussi, embarquer l’ensemble de la population, la sensibiliser, la former pour développer une véritable culture du risque, même si « ce n’est pas le moment ».

Pas question de se cacher derrière les différents plans et autres documents : seuls, ils ne suffisent pas

Pour Marie-Claude Jarrot, il ne faut pas non plus négliger d’associer les plus vulnérables au travail de réflexion sur les crises.

…et savoir les impliquer

« Les transformations ont plus de chance d’être réussies si elles se font avec les personnes concernées, les parties prenantes », approuve Stéphan Giraud, responsable du programme sciences comportementales à la direction interministérielle de la transformation publique.

Son service s’intéresse aux comportements humains dans le but de construire des politiques publiques efficaces, pour une « action publique fondée sur la preuve ».

Selon lui, plusieurs notions doivent être mobilisées : la perception d’impact, car nous avons besoin de comprendre à quoi servent nos actions, mais aussi la symétrie d’effort. « Une politique ne fonctionnera pas si chacun pense qu’il sera le seul à la suivre », explique-t-il. D’où l’importance des mobilisations collectives.

Il invite aussi à prêter attention à celui qui porte le message. Ce qui fonctionne le mieux ? Choisir des pairs comme messagers.

Développer les solidarités

Autre levier majeur pour limiter les conséquences des crises, la cohésion sociale, comme l’a montré notamment la crise sanitaire de 2020. « C’est par les liens qu’on fait de la prévention, qu’on évite des catastrophes », souligne Eric Chenut.

La coopération s’avère par ailleurs un facteur d’efficacité, ajoute Olivier Landel, directeur général de l’agence France locale. « La solidarité est le ciment essentiel d’une nation unie », résume le président de l’Unccas Luc Carvounas.

S’il est capital de développer les liens en amont, donc, Atanase Périfan, créateur des Voisins solidaires et de l’Heure civique, invite à aussi utiliser la crise comme levier. Le covid a engendré un « tsunami de solidarité », rappelle-t-il. La canicule de 2003 idem. Aux institutions de se poser la question : comment utiliser au mieux cette générosité citoyenne ?

…et maintenir les liens après la crise

Pour aider une communauté à se relever d’une crise, le maintien du lien joue un rôle clef, souligne Ghislaine Verrhiest-Leblanc, directrice générale de l'AFPCNT (Association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques).

A Saint-Etienne-au-Mont, les questions d’assurance ne sont toujours pas réglées aujourd’hui. De nombreuses familles vivent toujours dans des logements temporaires. Et l’épuisement psychologique grandit. Le CCAS installé au cœur de la Maison France Service est devenu le point névralgique de la commune, et sert aux habitants sinistrés.

Avec son association, Ghislaine Verrhiest-Leblanc accompagne les associations pour mieux préparer et gérer les crises, en identifiant notamment les ressources qu’elles pourront apporter à la collectivité en cas de besoin. Une méthode basée sur le dispositif québécois Rochmum, qui a porté ses fruits à la Réunion lors du passage du cyclone Belal en janvier : anxiété et isolement pendant et après l’évènement ont été fortement réduits.

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