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Qualité & management

Idéologie quand tu nous tiens !

Auteur Rédaction

Temps de lecture 2 min

Date de publication 09/02/2022

1 commentaires

Par le Dr Bernard Pradines

Le nouveau scandale exposé par le livre « les Fossoyeurs »1 n’est jamais qu’une énième péripétie d’un long chemin de croix constellé de révélations plus choquantes les unes que les autres. Elles se sont accumulées et multipliées depuis la dernière décade.

Incapables d’avoir pris correctement le virage du quasi tout domicile en famille de la première moitié du vingtième siècle vers la vie solitaire majoritaire à domicile ou collective en établissement, nous entendons le concert des pleureuses entonnant à nouveau le chant éploré de la culpabilité. Un tel accuse l’âgisme, l’autre l’indifférence à autrui ou l’abandon des anciens. D’autres, plus perspicaces quant aux mécanismes délétères, pointent la rentabilité ou pire, le profit réalisé sur le dos des personnes âgées vulnérables.

Le constat est accablant : personnels sous-payés en nombre insuffisant fuyant une profession sinistrée, forcés à des glissements de tâches, à une mobilité incessante et surtout à porter le poids écrasant du travail mal fait donc la contrainte sur les résidents pour aller plus vite en besogne. Des familles mécontentes revendiquent depuis longtemps une participation formelle aux établissements qui leur est refusée, par exemple par l’absence de « conseil de la vie sociale » pourtant inscrit noir sur blanc dans la loi 2,3.

Pire, d’autres familles sont indifférentes à la gestion de services dont elles se plaignent pourtant de la cherté, comme on le serait vis-à-vis d’un supermarché où seul nous importe le montant des étiquettes ! Des dispositifs tels que celui de la « personne qualifiée » censée faire valoir les droits des personnes hébergées sont confidentiels voire boudés et même ignorés4. La peur de leur saisine par crainte de rétorsion sur son parent âgé fera souvent le reste.

Se pose désormais la question de savoir s'il est acceptable, même du seul point de vue moral, que l'on puisse faire des profits plus ou moins mirifiques aux dépens des personnes âgées captives dans tous les sens du terme. Mieux, l'accompagnement du grand âge ne devrait-il pas être toujours non lucratif et sérieusement contrôlé selon des critères stricts définis par la loi et effectués par des organismes indépendants ?

Quand les idéologies du libre marché et du consumérisme se rencontrent dans le domaine humain, tout est à craindre ; nous y sommes ! C’est donc à un sursaut de citoyenneté, de démocratie participative et d’exigence de non-profit auquel nous devons procéder sans attendre.

1. « Les Fossoyeurs, révélations sur le système qui maltraite nos aînés » (Fayard, 400 pages, 22,90 euros) de Victor Castanet.
2. Articles 10 à 12 de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale. 
3. Décret n° 2005-1367 du 2 novembre 2005 portant modifications de certaines dispositions du code de l'action sociale et des familles (partie réglementaire) relatives au conseil de la vie sociale et aux autres formes de participation institués à l'article L. 311-6 du code de l'action sociale et des familles.
4. Arrêté de nomination d’une personne qualifiée en juin 2020 : « toute personne prise en charge par un établissement ou service social ou médico-social, ou son représentant légal, peut faire appel à une personne qualifiée, en vue de l’aider à faire valoir ses droits ».
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Josée Gineau

Je partage tout à fait cette analyse : s'interroger sur le fond du problème me semble fondamental ! Profit et (très) grand âge vont-ils ensemble ?
Haro, donc, sur cette sur ces profiteurs, qui bénéficient d'une clientèle renouvelable à l'envie....
Mais aussitôt, une autre interrogation me tenaille : quid de la maltraitance à domicile ? moins visible, plus diffuse, est-elle vraiment si éloignée des pratiques constatées dans ces EHPAD de la honte ? Interroger les dispositifs de signalement me semblerait parfaitement légitime, pour qu'enfin, nous puissions nous interroger sur la société que nous voulons pour nos aînés, pour nous-mêmes, et plus tard, beaucoup plus tard, pour nos enfants .